Arrivée à Bishkek à trois heures du matin. Nous dormons quelques heures sur le banc du hall d’arrivée avant de nous diriger vers la capitale. Nous choisissons une guest house où le lonely planet nous promet deux tenanciers qui ne dégrisent jamais, la vodka coule à flot, le chat s’appelle Nichole Kidman et le chien mord. Finalement nous trouvons la maison bien tranquile.

Rencontre avec Azamat, l’organisateur du trek, qui à 20 as, a tout fait : escaladé toutes les montagnes, organisé des combats de chien (pour entrainer le pitbul, il suffit de choisir un chien errant dans la rue et de demander à son joyeux toutou de l’égorger !), accumulé assez de vaches pour se marier. C’est qu’au Kirghizstan, on n’a pas confiance dans les banques. L’argent, on le place en moutons et autres bestiaux à 4 pattes !

J1 – Départ pour Karakol. 8h de route. Nous apercevons le lac Issy Kol, gigantesque, bordé de chaque côté par des chaînes de montagnes enneigées. Ca promet.

Azamat nous attend à l’arrivée. Il nous explique le programme. Cyril demande quelques complications : franchissements de cols, grimpages de glaciers, on n’est pas là pour faire une promenade de santé !

J2 – Rencontre avec notre guide, Miki. Il a 19 ans, et est venu avec son cheval et un ami qui parle anglais et qui nous accompagnera le premier jour pour faire connaissance. Enfin, il baragouine anglais serait plus juste. Nous lui demandons le nom du cheval. “Not”. Ah, il s’appelle Not, original. Pendant les jours qui suivent, nous appelons régulièrement notre compagnon à poil (je parle du cheval, pas de Cyril), par son petit nom, devant un guide éberlué. En fait, notre ami anglophone avait répondu “Not” = “ne pas” = “le cheval n’a pas de nom” !

Tant pis, nous l’avons baptisé, notre ami qui quand il trotte il fait des pets. Et mon dieu, quels pets !!! La couche d’ozone en prend un sacré coup à chaque fois. Et nous, qui marchions juste derrière à hauteur de troufignon, nous en avons pris plein les narrines ! Parfois, même 200m en arrière, nous pouvions détecter les attaques d’arme chimique. Sinon, un léger pffffffiout sonnait l’alerte à la bombe, et nous pouvions nous jeter à terre, sortir nos masques à gaz, trouver des abrits anti atomiques pour échapper à l’attaque. Que de stress !

Miki semble un peu fatigué pour son âge. Il a mal au genou, et semble peiner pour faire un trajet relativement facile. Nous sommes un peu inquiets. La malédiction des guides boiteux se poursuivrait-elle ???

Après 20km, nous arrivons au refuge, situé au coeur d’un beau paysage alpin, pour le déjeuner, servi par notre hôte. Du gras de mouton mijoté dans du chou gras… On ne nous tiendra pas par l’estomac pendant ce trek !

L’après midi Cyril et moi grimpons le flanc d’une montagne qui borde le refuge. c’est rude, mais nous rencontrons des marmottes (qui emballent le chocolat dans le papier…), et arrivés en haut, la vue en vaut la chandelle.

Au retour, nous nous prélassons dans des sources d’eau chaude. Ca commence bien !

J3 – Aujourd’hui, nous avons pour but de rejoindre Ala Kol, un lac glaciaire situé de l’autre côté d’un col enneigé. C’est un défi, le chemin n’est peut-être pas accessible à cause de la neige. Miki courre, vole, galoppe, saute de rochers en rochers, enjambe des rivières à toute allure. C’est bon, y’a pas de souci, il a la patate en fait. Du coup j’ai un peu de mal à le suivre. Je saute, je courre, je… trébuche. Et patatra, l’enjambement de rocher a capoté. Je découvre que j’ai un sens de l’équilibre tout à fait aléatoire. Et c’est le début d’une longue et originale série de chutes libres. La première me fait quand même bien mal quand je me retrouve à plat ventre sur les cailloux pointus. Je remercie le ciel de n’être pas un homme. J’en suis bonne pour être surnommée pour la journée “malaupubis”, en hommage au Malaucoccis de notre ami Astérix.

Enfin, après 5h de marche effrénée, nous arrivons au pied d’une côte, ou plutôt d’un mur montagneux. Le lac est juste derrière. Miki ne voit pas trop par où passer. Tant pis, il se démène, grimpe le flanc friable de la montagne, s’enfonce dans la neige jusqu’aux hanches, se traine à plat ventre. Nous sommes presque en haut !!! Mais il faut capituler à 3800m d’altitude. Il faudrait s’encorder et planter des piquets pour passer de l’autre côté. Dommage !

Nous avons tout de même une vue époustouflante et des paysages sauvages, rien que pour nous…

Retour au pas de course. Que de la descente. J’use déjà mon genou, qui ne rentre pas entier de l’expédition. Oh oh, le canard boiteux change d’identité !

Nous rentrons épusisés, mais ravis. Deuxième barbottage dans les sources d’eau chaude. Que c’est bon !

Au dîner, de la biche fraichement fauchée, et du yaourt fraichement tiré de la vache et qui pique la gorge (Cyril capitule d’ailleurs).

J4 – Réveil pluvieux. Le ciel est gris et pleure. Nous partons tout de même et faisons un bout de chemin avec Paul, un français rencontré au refuge. Mon genou me fait vraiment souffrir. Quand nos chemins se séparent, Paul m’offre son bâton de randonneur. Ou plutot sa massue : le truc est hyper lourd. Je m’appuie dessus comme je peux. Résultat, le lendemain j’ai des courbatures aux bras !!!

Enfin, nous traversons des forêts de sapins. Le temps reste menaçant toute la journée. Je traîne la patte.

A 17h, Miki nous propose de nous arrêter dans une plaine, car le cheval a mal aux pattes. Hé ben alors, Not, tu crois qu’on embauche des chevaux boitteux nous ? Non mais la belle équipe ! Enfin, chouette, on s’arrête, je n’en puis plus je suis moulue. Je ne peux plus plier le genou et Cyril me caricature magistralement. Du repos !

Premier pâtes-patates (et pas le dernier !). C’est chaud, ça fait quand même du bien par là où ça passe !

J5 – Il pleut toute la matinée. Nous ne plions pas le camp avant midi. Entre temps, un berger se joint à nous et tente d’inviter Cyril à tuer un mouton et à boire du schnaps. Cyril accepte, sort gaiement de la tente pour se mettre en route sous la pluie. Ce sur quoi le berger reste dans la tente et referme la porte derrière lui. Hum, mystère mystère, léger problème de compréhension.

Nous reprenons la route sans notre égorgement de mouton. J’ai moins mal au genou, mais c’est pas terrible quand même. Nous traversons des plaines et remontons la montagne pour arriver sur la crête, au moment du déluge. Cette fois, ça ne rigole pas, et il ne fait pas chaud. Nous cherchons un abrit sous des arbres, montons le camp rapidement, et nous réfugions trempés jusqu’aux os et frigorifiés.

Pâtes patates chaudes, chouette, merci Miki !

J6 – Petit feu de bois pour se réchauffer. Nos chaussures sont trempées. Nous découvrons que nous avons campé devant une vue somptueuse sur Karakol ! La veille, c’était totalement dans le brouillard. Malheureusement, le beau temps ne dure pas. Cette fois, c’est la tempête de neige. Tous aux abrits !!! Pas de marche aujourd’hui. Glaglagla. Engagez vous, rengagez vous qu’ils disaient !

J7 – C’est parti mon kiki, il fait beau, il fait chaud (enfin, au dessus de zéro), on est en forme. Nous galoppons, dans des paysages superbes. La journée est assez chargée. C’est que nous avons du retard à rattrapper ! Nous voyons partout des animaux non identifiés. Nous assistons même au rendez vous galand d’une renarde et de son soupirant !

Nous campons en bas de la vallées, au bord d’une rivière. Nous faisons un beau feu de bois, et interceptons Miki juste avant qu’il ne nous fasse du riz patates. L’humeur est au beau fixe !

J8 – Beau temps à nouveau. Nous passons des paysages superbes, falaises rouges sur pelouse verte, colorado, chevaux crinières au vent… Des biquettes nous regardent passer du haut de leur cachette !

Là l’ambiance bucolique est un peu refroidie quand nous arrivons dans un village post soviétique assez peu charmant. Miki nous emmène fièrement aux sources :

autant dire qu’on n’y a pas trempé le doigt de pied ! Rien n’a été rénové, ni nettoyé, depuis la chute du mur de Berlin. Bon, faut avouer que je ne sais pas qui des deux aurait salit l’autre : l’eau nous ou nous l’eau, m’enfin, pas de trempête pour nous !

Puis petit moment de penauderie : Miki nous laisse déjeuner à l’épicerie du village, qui vend des produits de première nécessité uniquement :

Il revient “dans 10 min”. Nous apprécions le beurre maison, bien goutu (trop pour Cyril, décidément le garçon n’est pas téméraire) et le bon pain frais. Trois heures plus tard, toujours pas de guide. Il revient à 17h, la bouche en coeur. Ok ? qu’il nous dit.

Quoi ok ? Ben non, pas ok, rrrrrr. Là Cyril retient madame. Miki nous explique qu’il est allé chez le docteur à cause de ses yeux. Il ne parle pas anglais, nous pas russe ou kirghize. On comprend seulement qu’on passe la nuit sur place, puis il s’eclipse. La dame de l’épicerie est charmante et s’occupe bien de nous, mais au temps pour l’immersion dans la haute montagne. Nous dormons sur le sol de l’épicerie, interrompus parfois par un client qui vient chercher sa ration de vodka au milieu de la nuit. Pfiou !

J9 – Promenade dans la vallée jusqu’au pied d’un glacier. Belle vue. Escapade par une cascade, que ces messieurs escaladent, évidemment !

Nous déjeunons avec des nomades, qui nous invitent dans leur yourte. Nous sommes ravis. Nous découvrons aussi la technique de la biquette gonflable. Un petit coup de pompe à vélo, et voilà la chevrette gonflée à bloc !

Le soir nous faisons notre première escapade sur Not. Cyril galoppe avec beaucoup de style. Moi je suis trimbalée comme un sac à patate !

Miki nous choie et nous ramène du lait frais de chez le voisin berger. Cyril est ravi !

Je dois faire un piqûre aux fesses de Miki, pour ses yeux. J’hésite à jouer aux fléchettes pour lui faire payer l’attente de la veille, mais en prenant sur moi je suis fair play…

J10 – Longue journée, et belle ballade sur la crête. Nous avons de belles vues sur le lac et les sommets enneigés de l’autre côté. Vers 19h, nous sommes arrêtés par un nomade qui veut absolument bourrer la gueule à Cyril, qui ne rechigne que pour la forme. Nous n’atteindrons donc pas le refuge ce soir. C’est pas grave, nous sommes invités à dormir au chaud dans une roulotte. Top ! Pâtes patates, évidemment. Puis : “alors, on dort où ?” On nous fait un signe de bras. Dehors ??? Ben oui, Miki avait monté la tente. Lui dort bien au chaud à l’intérieur. Bouhou !!!!

J11 – Départ à 7h du matin. Nous rejoignons le refuge à 9h30, après avoir appris que le ravitaillement n’était pas au point de rendez vous. Euh… Cyril commence à paniquer.

Le refuge est décevant : à peine 4 murs pour les visiteurs, pas de chauffage, pas de vitres au fenêtre, pas de couvertures. Autant camper !

M’enfin, nous partons pour le lac glaciaire. Le temp est menaçant, mais c’est pas grave, on fonce. On arrive en haut juste à temps pour la tempête de neige. On n’y voit pas à 10m ! Parait qu’il y a un glacier juste en face. Dommage ! Nous nous réfugions dans une cabane sans fenêtre, puis repartons, penauds, congelés, au bout d’une heure. Arrivés en bas, le soleil pointe son nez. Cyril, plus motivé que jamais, repart en courant vers le sommet. Moi je fais ma lady, je rentre à cheval, je verrai les photos !

Le soir, nous dînons avec la famille. Heureusement, nous n’avons plus rien à manger. Pâtes patates, je passe… Puis nous rejoignons des lits froids… Toujours pas de douche.

J12 – Grosse journée. Nous avons 15km à faire dans la vallée pour rejoindre un glacier. Nous partons seuls, Miki boude, il est grincheux aujourd’hui et n’a pas envie de marcher. Il nous rejoint 3h plus tard à cheval pour nous indiquer la route. Ca grimpe, mais c’est vraiment beau. Nous arrivons au bout affamés (et Cyril de mauvaise humeur, l’estomac domine). Nous mangeons nos derniers fruits secs et notre dernière sardine. Dur dur ! M’enfin, c’est splendide, nous sommes ravis quand même.

Miki rentre au galop, le saligot, et nous devons hâter le pas. Nous nous prenons une tempête de grêle sur la g… C’est que ça fait un mal de chien ! Nous rentrons à 18h, congelés, épuisés. Pas de guide, pas de bouffe, pas de chauffage, pas de famille à côté. Je n’arrive pas à me réchauffer. Cyril fait du thé… J’en attrappe un bon rhume ! Finalement, Miki revient à 20h30. Il a récupéré le ravitaillement : 1kg de bonbons, 2kg de raisins de corinthe, des patates et des sardines. Pas de pain, de pâtes, de saucisse, de fromage. Enfin, on fera avec !

J13 – Petite journée. Nous prenons de la hauteur, et établissons le camp avec une vue sur le lac. Nous avons droit à un magnifique coucher de soleil pour notre dernier soir…

J14 – Nous marchons jusqu’à 14h pour rejoindre la route. Beaux payages à nouveau dans des falaises rouges…

Nous disons au revoir à Miki et Not, et prenons la route pour Bishkek. Nous arrivons à 21h…

Nous dormons chez la tante d’Azamat où nous sommes très bien reçus. Pâtes patates.

Et voilà, Kirghisztan, c’est fini, snif !

Signé :

(Ephémère de Cyril Telliam, Pisse sur Neige, 50*80, 17 mai 2011)

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